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16 juillet 2006 7 16 /07 /juillet /2006 13:43

 

" Le pire est la manie que nous avons de décrire une maladie sociale jusqu’à l’épuisement du détail, pour proposer ensuite une drogue sociale. " Chesterton, Ce qui cloche dans le monde, 1910

Depuis vingt-cinq ans, les violences urbaines (nouvelle expression médiatiquement correcte pour parler de la délinquance* juvénile (délictuelle ou criminelle**) sont auscultées sous différentes facettes. Surévaluées par les communautés religieuses qui les dévient pour servir leur revendication, surmédiatisées par les médias en quête de catastrophes, brandies par les extrémistes, elles sont en revanche déniées par les socialistes pour qui la baisse du taux de chômage suffirait à diminuer les violences (L. Jospin) – or les années 90 ont montré quels dangers naissaient d’un paralogisme de bonne foi.

Sous l’impulsion des études sociologico-scientifiques-de-terrain, chacun a utilisé son déterminant social pour expliquer les violences : perte de repères, concentration des communautés, démission parentale, chômage, impunité et laxisme des institutions judiciaires…. Et l’Etat a y répondu diversement avec : la police de proximité, la réhabilitation des zones urbaines, l’aide aux collèges défavorisés et aux associations de proximité, les projets d’insertion (" 2nde chance " sous le ministère de la justice), les bourses au mérite (Sc. Po Paris)… Aussi le constat est-il dur à accepter : la violence autrefois marginale non seulement s’est accrue, mais elle s’est étendue au-delà des banlieues, s’est généralisée dans une classe d’âge de plus en plus jeune, et est devenue " gratuite ".

Autrefois bornées aux banlieues, les " violences urbaines " paraissaient explicables, voire légitimes, au point que le parti soixante-huitard parla, cet automne, de " révolte urbaine ", c’est-à-dire un mouvement organisé et un tant soit peu logique comme le furent les brigades rouges, les révoltes estudiantines de 68, etc. Or, le constat que la violence s’est immiscée dans toutes les couches de la société, parmi les enfants et les adolescents, en dépit de l’origine, du quartier ou de l’établissement scolaire fréquenté, fait éclater ces déterminants qui confinaient la violence à un lieu et à un groupe social. La violence, devenue intrinsèque à une génération, a donc d’autres causes que ces expressions-baudruches comme celle-ci : " perte de repères ". Quelles sont-elles ?

Je ne saurais le dire ; je devine en revanche ce que cache l’" ordre républicain " proclamé ici et là : un programme lourd de sens qui pourrait ouvrir la boîte de Pandore à toutes sortes de dérive : autoritarisme, rigorisme, de toutes les façons un retour à l’autorité de l’Etat (policier, judiciaire, militaire). Réprimer une certaine partie de la population, c’est bien la tendance qui se dégage des sondages et des discours politiques des deux candidats potentiels. Or, il est à craindre que nul n’endiguera la violence en s’attaquant de manière autoritaire aux faits de violence circonscrits à quelques individus.

Si, comme l’écrit Nietzsche dans Humain, trop humain, un peuple civilisé et fatigué n’a d’autre moyen de s’ébranler que par des retours momentanés à la barbarie, il nous revient de trouver les moyens de sortir de cette lassitude par un autre ordre que moral, mais par " l’ordre artistique " qui agence subtilement des concepts de paix et de liberté (voir le chap. 188, Par-delà bien et mal).

 

*Délinquance : du verbe lat. delinquere, " commettre une faute ". La délinquance (pendant juvénile de la plèbe virile) est considérée aujourd’hui sur le plan social. Parler de délits et de crimes juvéniles permettrait peut-être de sortir du carcan social qui n’explique plus la violence.

**Délit et crime : en droit pénal, le délit est une infraction, jugée par une juridiction correctionnelle ; et, le crime est une infraction grave à la loi, jugée par une juridiction criminelle.

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